Comme  je vous l’avais annoncé dans mon précèdent article (disponible ici), j’ai choisi de commencer ma descente de la Patagonie par le coté chilien.

Je voulais être certain de choisir l’itinéraire qui me permettrait de voir le plus de choses. Je pensais que le choix des routes se révèlerait compliquer pour traverser ces immense étendues. En réalité, il a été d’une simplicité enfantine : il n’y a qu’une seule route qui traverse la Patagonie Chilienne.

Elle est longue de 1249 kilomètres, et se résume à un chemin caillouteux et poussiéreux sur plus de 80% de sa longueur. Elle traverse la Patagonie Chilienne jusqu’à O’Higghins où l’immense champ de glace du Hielo Norte stoppe sa course.

La carratera est l’une des routes les plus mythiques aujourd’hui pour les routards du monde entier ; elle traverse certaines des zones les plus isolées et sauvages de la planète. Mais plutôt que de vous parler de la beauté des paysages traversés, chose que les photos feront bien mieux que moi, revenons un peu sur son histoire.
Pas besoin de remonter bien loin dans le temps puisque la route n’a été ouverte au trafic qu’en 1988, et sa dernière section connectant O’Higgins ne remonte quant à elle qu’à 2001.

Pour ceux qui se posent la question de savoir comment faisaient les rares habitants avant, et bien figurez vous qu’ils ne faisaient pas. Il y a seulement 10 ans en arrière, les deux seuls moyens de relier les villages qui parsèment ces terres sauvages étaient soit de prendre le bateau et de traverser le labyrinthe des fjords de l’Ouest Patagonien, ou pour ceux qui avaient le cœur particulièrement bien accroché, de se rendre sur place par un petit coucou, en survolant d’interminables zones montagneuses.

La décision de la construction de la route est intéressante. Ce sont des considérations politiques et non économiques, dans un contexte de conflit larvé avec l’Argentine, qui ont poussé le Général Pinochet à débloquer les budgets nécessaires. L’objectif était de désenclaver la région de Aisen alors accessible uniquement en passant par l’Argentine.

Entre la décision et la réalisation de ce projet herculéen, 25 années s’écoulent et plus de 200 millions de dollars sont dépensés. Aujourd’hui voyager le long de la Carratera Australe offre le splendide spectacle d’une nature vierge et préservée.

Cela permet aussi aux plus observateurs d’avoir un aperçu de la division qui existe encore au sein de la population chilienne sur la nature du régime de Pinochet.

La reconnaissance des habitants qui vivent le long de la route envers celui qui a pris la décision de construire cet axe maintenant vital pour eux se retrouve à de multiples endroits. L’un des villages que j’ai traversé s’appelait la Junta, rien que ca, qui signifie littéralement en espagnol la junte, en référence à la junte militaire dirigée par le Général Pinochet. Tout aussi étonnant, un immense et hideux monument à la gloire du Général se dresse toujours aux alentours du kilomètre 600. Une gloire pourtant largement déchue à la fin de la vie du Président dictateur, qui fut inculpé pour génocide, terrorisme et torture mais décéda avant son procès.

Voyager à travers la Patagonie permet de sentir à quel point la population chilienne était et reste divisée sur la nature du régime Pinochet. Une terrible dictature pour certains, un sauveur ayant écarté du pouvoir le socialiste Allende qui amenait le pays au chaos social et économique pour d’autres.

Cette division de la population j’en aurais une autre illustration lors d’une excursion au glacier San Rafael (l’objet d’un prochain article). Un chilien à bord du bateau qui nous amène sur place, et qui habite sur les berges du lac Carrera, en plein centre de la Patagonie nous explique que le village d’une centaine d’habitants où il habite est terriblement divisée, avec d’un coté les socialistes et de l’autre les fascistes (je reprends ces propres mots ce qui vous aidera à deviner de quel coté il se range).

Etonnante division dans des régions où l’on pourrait croire que la rudesse du climat et de l’environnement auraient pour conséquence de resserrer les liens entre les habitants.
La situation politique du Chili semble plus complexe qu’elle n’y paraît, particulièrement dans ces régions lointaines qui n’ont pas directement subi la violence du régime, et se rappellent surtout la route qu’il a fait construire pour eux lorsqu’ils se remémorent les 18 ans au pouvoir de Pinochet.

Mais voyager le long de la Carratera Australe, même si cela permet de mieux comprendre la complexité politique chilienne, permet surtout s’en mettre plein les yeux avec des paysages magnifiques.

Et qui dit paysages magnifiques dit aussi pêle mêle photo!

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1 Comment

  1. […] était temps de reprendre le voyage. Comme je vous l’avais indiqué dans mon précèdent article (disponible ici), la route coté chilien s’arrête à Villa O’Higgins. Il faut donc que je remonte 250 […]

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