Mon arrivée à Palenque (cf mon dernier article) correspondait aussi avec mon entrée au Chiapas. Cet état du Sud-Ouest du Mexique, dont la population représente environ 4% de la population totale du pays est l’un des plus pauvres de la fédération mexicaine. Il dispose pourtant de très importantes ressources naturelles: 23% de la production d’hydrocarbures du pays sont extraits et près de 44% de la production électrique y est générée grâce à un imposant dispositif de 7 stations hydroélectriques.

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un des très nombreux enfants vendant des souvenirs et des bonbons, ici sur le parvis de la cathédrale de San Cristobal de las Casas

Pourtant, les conditions de vie de la population locale, dont 25% est indigène sont parmi les plus difficiles de tout le pays. Quelques chiffres pour illustrer la situation:

  • 80% de la population n’a pas accès au système de santé
  • 60% des logements ne disposent pas de l’eau courante
  • 40% des foyers ne sont pas raccordés au réseau électrique national
  • 40% de la population vit avec un salaire inférieur au minimum légal dans le pays
  • 30% des enfants ne sont pas scolarisés
  • 30% de la population est analphabète

Face à cette situation, plusieurs mouvements de contestation, plus ou moins structurés ont vu le jour au Chiapas. Leur succès tout comme le soutien qu’ils ont obtenu de la population a été variable, jusqu’à la naissance de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale, l’EZLN (Ejército Zapatista de Liberación Nacional). Inconnue jusque là, ils s’illustrent le 1er janvier 1994 en prenant le contrôle de plusieurs ville dont San Cristobal de las Casas, le jour même où le traité de libre échange entre le Mexique et les Etats-Unis (ALENA) entre en vigueur.

le sous-commandant Marco, leader et porte parole de l'EZLN - crédit photo: google.com
le sous-commandant Marco, leader et porte parole de l’EZLN – crédit photo: google.com

Les combats entre les Zapatistes et l’armée régulière durent quelques semaines jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu soit mis en place sous la forte pression internationale. Le porte parole de l’EZLN, le charismatique sous-commandant Marco, s’illustre par une parfaite maitrise de sa communication. Outre la presse et les médias, il utilise massivement le nouvellement né internet pour diffuser ses idées et communiquer à travers le Mexique mais également à travers le Monde.
Les négociations avec le gouvernement se prolongent jusqu’en 2001, mais le soutien de la population pour les néo-zapatistes reste important. En mars 2001, le sous-commandant et ses sympathisants se lancent dans une grande marche en direction de Mexico City où ils entrent acclamés par une foule immense, qui pousse le nouvellement élu président mexicain, Vincente Fox, à saluer personnellement l’arrivée des rebelles.
Les négociations reprennent entre l’EZLN et le gouvernement et finissent par aboutir quelques mois plus tard, entrainant une modifications de la constitution mexicaine afin de donner des droits aux populations indigènes dont celui de l’autonomie et de l’autodétermination. Pour autant la situation au Chiapas ne change guère et les inégalités restent immenses.
Très performant dans sa communication avec l’extérieur, l’EZLN a gagné la sympathie et le soutien de nombreuses organisations alter-mondialistes, soutien décuplé lors de son changement de stratégie et son abandon des actions violentes. Grâce à ses succès de communication, le mouvement parvient à lever des fonds et met en place une trentaine de “municipalités autonomes” au Chiapas, instaurant localement les réformes qu’ils prônent.
Au cours de l’année 2006, l’initiative “une autre campagne” lancée en pleine campagne présidentielle mexicaine, a pour objectif d’interpeller les candidats et d’infuser les idées zapatistes dans les esprits. Pour autant, les résultats sont mitigés, et l’importante dégradation de la situation sécuritaire au Mexique à contribuer à rendre leurs revendications moins audibles.
Au cours des dernières années, les apparitions du Sous-Commandant se sont faites plus rares et son message est devenu plus confus.Des initiatives ont été lancées pour rallier le mouvement mexicain à d’autres mouvements indigènes d’Amérique Centrale et d’Amérique du Sud. De même, et dans une logique plus alter-mondialiste, Marco a affiché son soutien appuyé aux Palestiniens en 2011.

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cagoules à l’éffigie de l’EZLN

Pour autant le soutien de la population locale à l’EZLN est encore très marqué au sein de la population indigène et particulièrement au Chiapas où le mouvement a ses racines. Lors de mon passage à San Cristobal, j’en ai eu des exemples répétés en voyant l’omni-présence de représentation de Marcos, la vente de poupées brandissant à bout de bras une AK47, où encore sur plusieurs marchés où des vieilles mamies vendaient des cagoules à l’effigie de l’EZLN. Souvenirs pour touristes, certainement, mais j’ai eu une autre illustration du soutien plus ancré aux Zapatistes alors que je sortais de San Cristobal en bus.

très jeunes vendeurs sur un marché durant leur pause déjeuner
très jeunes vendeurs sur un marché durant leur pause déjeuner

Alors que nous roulions sur une route secondaires, je suis tiré de mon sommeil lorsque le chauffeur freine violemment. Je ne comprends tout d’abord pas bien ce qu’il se passe, lorsqu’il me fait signe de ne pas trop montrer ma tête à la fenêtre. J’obéis mais ne résiste pas à l’envie de regarder discrètement ce qu’il se passe à l’extérieur. J’aperçois un groupe d’une vingtaine d’hommes, armés de bâtons et ayant déposé une grande planche à clous en travers de la chaussée. Alors que l’un des hommes tente de monter à bord du bus, le chauffeur le retient et passe à travers les rangs et nous demande de mettre en commun notre monnaie afin que nous puissions repartir rapidement. La collecte faite, nous n’avons guère plus que 5 dollars. Je mets alors la main dans ma poche pour ressortir un billet de 10 supplémentaire, mais le chauffeur me répond: ces imbéciles n’ont pas besoin de plus.
A peine la monnaie est passée de la main du chauffeur à celle de l’homme au gourdin, la herse est retirée de la chaussée et nous pouvons reprendre la route. En nous éloignant, je regarde le groupe d’hommes, qui me semble beaucoup plus miséreux que dangereux. Ils sont tous vêtu de tee shirt déchirés et la plupart sont pieds nus. L’un d’entre eux porte un drapeau rouge et noir EZLN. Alors que nous nous éloignons je me rapproche du chauffeur pour le questionner

– que voulaient ces hommes?
– ils voulaient que nous contribuions à “la révolution”
– mais nous sommes repartis en ne leur donnant que 5 dollars
– pour ces pouilleux s’étaient déjà énorme
– …

Et un pelle-mêle de photos prises durant mon séjour qu Chiapas et à  San Cristobal de las Casas
Et en annexe, quelques citations illustrant le discours de l’EZLN
Ya Basta” / “il y en a marre” – slogan de l’EZLN
“para todos todo, para nosotros nada” / Pour tous, tout, pour nous rien” – slogan de l’EZLN
 
Nous ne voulons pas imposer nos solutions par la force, nous voulons créer un espace démocratique. Nous ne voyons pas la lutte armée dans le sens classique où est vue la guerre de guérilla, et nou ssavons que ce n’est pas l’unique manière ni l’unique vérité pour organiser notre résistance. Dans une guerre, la chose décisive n’est pas la confrontation militaire, mais la politique à la base de cette confrontation. Nous n’allons pas à la guerre pour tuer ou être tuer, nous allons à la guerre pour être entendu.” – déclaration du sous-comandant Marcos
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