Lima marquait une étape importante de mon idylle avec la Chérie Moya. C’était le point le plus au Nord que nous nous étions promis d’atteindre ensemble. Ma Subaru ayant été achetée au Chili, sa carte grise (patron en chilien dans le texte) ne me permettait de circuler librement que dans les pays du Mercosur (Chili, Argentine, Uruguay, Paraguay, Bolivie et Brésil) et au Pérou. Entrer en Equateur aurait été possible mais légèrement plus compliqué, nécessitant que j’obtienne des autorisations au préalable.

Liée au Chili par son immatriculation, ma Subaru ne pouvait être légalement revendue que dans ce pays. Etant d’excellentes voitures et difficiles à trouver dans le reste de l’Amérique Latine, j’avais eu plusieurs propositions de rachat en Bolivie et au Pérou, mais avoir hésité, j’avais pris la décision de rester dans les clous et de retourner au Chili pour me séparer de ma douce dans les règles.

Petit Sourdj (café arménien) du matin en face des Nasca lines…

C’est ainsi qu’après avoir traversé l’immense désert de Nazca dans un sens, je me retrouve à faire demi-tour et à rouler plein Sud pour retourner en direction de la frontière chilienne. Contrairement à l’aller, je décide de ne pas m’attarder et de rejoindre la frontière le plus rapidement possible. L’avantage lorsque l’on traverse un désert c’est que ce n’est pas très difficile de trouver des endroits tranquilles et peu fréquentés pour camper ; on peut s’arrêter pratiquement n’importe où. C’est ainsi que j’ai pu m’offrir le luxe de camper au beau milieu des lignes de Nazca et de prendre mon café au petit matin en face de ces mystérieux dessins : priceless!

Pêle mêle #1: traverser du désert de Nasca du Nord au Sud (inclus camping au milieu des Nasca lines)


La seule pause que je m’accorde est à Arequipa, une jolie ville coloniale dans le Sud du Pérou.
Pêle mêle #2: Arequipa, son architecture coloniale et son monastère de Santa Catalina

 

De là je pars admirer le Colca Canyon, le plus profond canyon du monde avec un précipice de 3400m soit près de deux fois la profondeur du Grand Canyon américain.

 
mon camp au bord du Canyon de Colca…

Une fois encore j’en profite pour camper sur place : une belle expérience qui me glace un peu le sang au réveil lorsque je m’aperçois qu’il fait –5 degrés.

Pêle mêle #3: le Canyon de Colca

Je continue ensuite ma route plein Sud et j’entre au Chili avec un objectif en tête : essayer de vendre la voiture le plus près possible de la frontière péruvienne car il faudra à terme que je reprenne la route plein Nord par la suite.

Partant de cette philosophie, j’étudie 3 options :

Option #1 : vendre la voiture à Arica
Arica est la ville chilienne la plus proche de la frontière. Problème : sa taille est assez réduite et je comprends rapidement après avoir publié une annonce sur internet que l’opération va se révéler délicate. La décision est prise, je m’éloigne de 450 kilomètres et me rends à Iquique.

Option #2 : vendre la voiture à Iquique

Iquique est une ville de taille beaucoup plus respectable. Tout paraît parfait pour vendre la CM  à un détail près : la ville bénéficie du statut de Zone Franca. En clair, les produits vendus sur place, y compris les véhicules neufs y sont  détaxés. Le prix moyen des véhicules d’occasion est de ce fait beaucoup plus bas qu’ailleurs dans le pays. Pas très intéressant pour moi hormis si j’accepte de brader ma voiture ce qui n’est pas dans mes intentions. Faute de pouvoir vendre la Chérie Moya sur place, je profite de ma pause pour lui refaire une beauté. Alors que j’hésitais depuis plusieurs semaines, je me décide finalement à faire remplacer son pare brise qui était salement amoché après avoir reçu plusieurs pierres sur les pistes chiliennes et boliviennes. Débouté par mon assureur chilien qui après m’avoir fait poiroté  3 jours finit par refuser la réparation sous le prétexte que la pièce d’origine est beaucoup trop chère compte tenu de l’année du véhicule (des claques qui se perdent je vous jure…), je finis dénicher un minuscule atelier de rue spécialisé dans le remplacement de pare brise. Il se fournit en pièce dans les casses du coin. Le prix est imbattable: alors que Subaru me demande pas moins de 1200 dollars pour remplacer la pièce, mains-d’oeuvre non incluse, nous nous mettons d’accord sur une réparation à 70 dollars tout compris. Trois heures plus tard mon pare brise est remplacé par une pièce originale Subaru récupérée sur une épave locale. Le travail est méticuleux et on n’y voit que du feu.
Alors que je rentre à mon hostel, la main de Dieu frappe une seconde fois et met sur ma route un minuscule garage. Il est tellement petit que je crois d’abord qu’il s’agit de l’atelier d’un particulier passionné par le bricolage, et puis en poussant la porte, je m’aperçois c’est que bel et bien un garage… spécialisé uniquement dans le remplacement des homocinéticos (cardans). C’est exactement la pièce avec laquelle je lutte depuis plus de 3 mois et que j’ai bricolée à Buenos Aires, La Paz et Lima sans succès. Une petite discussion avec le responsable et je ressors avec un devis: 70 dollars tout compris et trois heures d’immobilisation de la voiture là où Subaru me demandait 3 jours et 800 dollars. Malgré le prix imbattable, j’hésite. Alors que je remonte dans la voiture et fais le tour du pâté de maison pour retourner à mon hotel, les Crrrrrr et les Grrrrrrr terribles que pousse la Chérie Moya chaque fois que je tourne le volant finissent par me convaincre de la nécessité de l’investissement pour revendre la voiture dans les meilleures conditions. Je me convaincs aussi que le hasard seul ne peut pas expliquer qu’un garagiste spécialisé dans les homocinéticas se trouve à moins de 100m de mon hotel. Depuis le début de mon voyage, j’ai l’intime conviction que dans des moments critiques, certains signes me sont envoyés qu’il faut que je sache interprété, et là à n’en point douter c’est un sacré appel du pied! 3 heures plus tard, l’homocinétique est changé. Le chef d’atelier en me rendant mes clés m’annonce que comme convenu il a remplacé le coté gauche, mais que le coté droit est mort aussi. Qu’importe: il ne fait pas de bruit pour l’instant, hors de question de le changer.
En deux jours, j’ai fait tous les investissements que je me refusais de faire depuis des mois. La voiture a l’air neuve alors que je vais bientôt devoir m’en séparer. Râlant… mais je l’espère efficace. Les réparations sont faites mais les cours du marché automobile d’occasion à Iquique sont trop bas. Je reprends la route en direction d’Antofagasta, ma botte secrète.

Option #3 : vendre ma voiture à Antofagasta

C’est une option que j’avais à l’esprit depuis pas mal de temps, mais que je gardais en réserve comme dernier recours du fait de l’éloignement de la ville: quelques 1000 kilomètres au Sud de la frontière avec le Pérou. Antofagasta se situe off zone de la plupart des cartes touristiques du pays, et pour cause : il n’y a rien de particulier à voir sur place. Aucun monument protégé par l’UNESCO, pas d’architecture coloniale, juste une grande ville industrielle remplie de malls et de strip clubs… Pourquoi donc me direz-vous ? non les Antofagastenios ne sont pas plus pervers que le reste des Chiliens. L’explication vient du fait qu’Antofagasta est  le poumon économique du Chili et sa principale source de prospérité. Situé sur la côte Pacifique à l’Est du désert d’Atacama (qui n’est ni plus ni moins que la prolongation coté chilien du désert de Nazca au Pérou), Antofagasta est un gigantesque port où la totalité des très nombreuses ressources minières du pays sont  envoyées par bateaux à travers le monde. 40% du PIB du pays provient de ces exportations. Contrairement à son voisin bolivien, le Chili a pris le parti d’ouvrir la porte aux investissements étrangers. Les mines sur place n’ont donc rien à voir avec celle de Potosi que j’avais eu l’occasion de visiter (souvenez-vous). Les installations sont ultra modernes, les techniques d’extraction de pointes et la rentabilité des nombreux gisements d’or, d’argent de cuivre, d’uranium… de la région maximale.
La prospérité de la région a des retombées extrêmement visibles sur la qualité de vie des habitants. Le travail sur place est abondant et les salaires presque 35% plus élevés que dans le reste du pays. La contrepartie pour les habitants est d’accepter de vivre dans une ville au beau milieu du désert le plus aride du monde, où les distractions sont assez limitées. La présence des strip clubs s’explique par une grande concentration de mineurs, chiliens et étrangers qui exploitent les gisements de cuivre, d’or, d’argent d’uranium… de la région. Le Chili n’ayant pas fait les même choix politiques que son voisin bolivien, des gigantesques investissements étrangers ont permis le développement de mines ultra modernes (dont la mina Chuquicamata, plus grande mine de cuivre à ciel ouvert du Monde).
Une ville de plus de 280 000 habitants, mieux payés que dans le reste du pays et travaillant pour la plupart plusieurs jours sans pause, ne rentrant chez eux que pour se reposer avant de repartir en quart. Ajouter à cela peu de loisirs et des difficultés à pouvoir dépenser sur place l’argent gagné, par manque d’options ou simplement de temps…  Toutes les conditions sont au rendez-vous pour vendre correctement ma belle Subaru.

Pêle mêle #4: Arica, Iquique et Antofagasta 

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3 Comments

  1. Vive le démerdard Anto ! J’ai été heureuse de lire que tu as remis ta Chérie en bon état avant de la vendre. Tu es plein de délicatesse !!! Merci pour ce long parcours semé de belles photos.

  2. Sourdj et Tim Tam 😉
    Tu en as vraiment pris soin de cette Cherie Moya!

    1. @Flo: c’est vrai que j’en ai pris soin, mais elle a bien pris soin de moi aussi 😉

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