Saigon! Comment ne éprouver des frissons lorsque l’on arrive dans cette célébrissime cité. Aujourd’hui renommée Ho Chi Minh City, peu d’habitants l’appellent ainsi et dans les cœurs et les esprits, Saigon reste Saigon

Lorsque je me rapproche de la ville en arrivant par le sud-est, ce qui me surprend d’abord  c’est de voir se profiler au loin de gigantesques tours alors que je suis toujours entrain de parcourir la campagne vietnamienne, et qu’autour de moi de sont encore des rizières qui s’étendent et des buffles qui se baignent tranquillement dans les mares aux bords des routes.

Et puis lorsque j’entre enfin dans le centre de la ville, c’est le trafic insensé qui me surprend. Les deux roues sont partout : sur la droite de la route, sur la gauche de la route, sur les trottoirs… certains roulent à contre sens sur l’équivalent du périphérique local. Rien d’étonnant par rapport ce que j’ai vu en Iran ou en Inde certes, mais la densité de mobylettes est ici quasiment oppressante.

Par chance, j’ai trouvé une couch surfeuse pour m’accueillir chez elle. Je m’aperçois rapidement que “chez elle” c’est plus dortoir pour couch surfers qu’un appartement. Alors que je pose mes affaires, je fais la connaissance de deux américains, qui habitent déjà le salon. Ils sont eux aussi de passage et couch surf aussi ici. Puis je réalise que mon hôte vit en colocation avec 4 autres personnes, et qu’un ex-colocataire squatte les lieux. Au final nous sommes neuf dans l’appartement + 5 poissons dans un aquarium posé au milieu du salon. Heureusement tout ce petit monde est absolument charmant et s’entend très bien.

Apres une première nuit de sommeil dans ce refuge à voyageurs, je fais une découverte : les vietnamiens doivent effectuer une déclaration à la police lorsqu’ils hébergent des étrangers. En fait cette découverte, je la fais un peu tard lorsque la police frappe a la porte a une heure du matin. C’est le gardien de l’immeuble nous a dénoncés. Alors que les Schmits sermonnent mes hôtes en vietnamien, je finis par comprendre que la principale raison de leur visite n’est pas tant de nous déloger que de récupérer un bakchich pour fermer les yeux. D’ailleurs si le gardien nous a dénoncés, ce n’est pas par respect des lois. Il avait à plusieurs reprises et moyennant finance évidemment, proposé d‘effectuer la déclaration d’hébergement à la police lui même. Mes hôtes ayant refusé, il s’est offert sa petite vengeance.

La blague ne dure pas trop longtemps et nos officiers désoeuvrés et corrompus repartent rapidement. On les embobine un peu aussi en leur expliquant que nous sommes tous de la famille de l’un des colocataires qui est anglais, et que nous repartons le lendemain. Le subterfuge marche, à moins que ce ne soit eux qui comprennent que quoi qu’ils fassent nous ne leurs lâcherons pas un seul dong (monnaie locale vietnamienne).

Le lendemain, je pars à la découverte de la ville. L’architecture de plusieurs bâtiments rappelle immédiatement les 100 ans de présence française. L’hôtel de ville pourrait être transféré dans n’importe quelle ville de France sans même attirer l’attention. L’architecture de l’ancienne poste est elle aussi des plus réussie et les Vietnamiens ont su lui conserver tout son charme colonial. Plus étonnant, la cathédrale « Notre Dame » au centre de la ville  dont les murs sont tapissés de plaques en remerciements à la Vierge écrites pour moitié en vietnamien et pour l’autre en français…

Déambuler dans les rues de Saigon laisse tout occidental un peu perplexe. La ville est extrêmement développée, les centres commerciaux sont nombreux, dans le centre, les cafés copies conformes de Starbucks sont pléthores, et les boutiques de luxe (Bulgari, Louis Vuitton, Chanel…) ne sont pas en reste. Dans ce contexte, les drapeaux rouges avec la faucille et le marteau, qui sont accrochés sur tous les lampadaires de la ville laissent un peu perplexe. Se promener dans les rues d’Ho Chi Minh Ville pourrait le faire oublier mais le Vietnam est bel et bien un pays communiste.

Pour remonter un peu le temps et partir à la découverte d’une période plus noire du pays, je vais visiter le musée de la guerre : il est évidemment consacré à la guerre du Vietnam. En le découvrant je suis agréablement surpris de découvrir que ce n’est pas l’instrument de propagande, ni les galeries où se succèdent les arquebuses d’époque, que je craignais. Au contraire, c’est un musée passionnant et bien fait, qui sur trois étages replonge le visiteur dans toute la complexité et l’horreur de la guerre du Vietnam Durant mes 2 heures de visite, je replonge au cœur de l’une des dernières guerres d’indépendance du XXeme siècle, et je découvre, loin de la musique d’Apocalypse Now ou de Platoon la cruauté de celle-ci. Mais l’intensité de cette visite est accentuée par le fait que je suis accompagné par une jeune et charmante Vietnamienne rencontrée sur couch surfing (une fois de plus…). Elle s’appelle Tiny et est guide touristique, mais surtout c’est la fille d’un ancien militaire Vietcong qui s’est battu durant le conflit. Son grand père a lui aussi oeuvré pour l’indépendance et la réunification de son pays; il était espion pour le compte des Nord Vietnamiens. Il a fini par être démasqué puis exécuté durant le conflit. La présence de Tiny donne un sens plus profond à ma visite car son histoire familiale illustre parfaitement ce que les expositions racontent. Une fois encore: merci Couch Surfing pour cette rencontre!

Je vous passerai les détails sur toutes les horreurs commises pendant cette sombre période. La guerre étant la guerre, au Vietnam comme ailleurs l’homme a fait preuve d’un incroyable sadisme et d’une édifiante créativité pour massacrer son prochain. Je ne vous présenterai de cette visite que deux photos : la première montre la quantité de bombes larguées sur le Vietnam par les B-52 américains. Elle est approximativement quatre fois supérieure au tonnage de bombes larguées par durant la seconde guerre mondiale, tous belligérants réunis (allemand, japonais et alliés).

tonnages de bombes déversées au Vietnam par l’armée US

La seconde c’est un cadeau offert par un vétéran américain au musée, que j’ai trouvé très émouvant

un cadeau d’un vétéran américain au Vietnam réunifié

Ma passion pour l’histoire contemporaine n’est pas rassasiée avec ce premier musée et c’est vers le palais de la réunification que je me rends ensuite. Cet imposant bâtiment dans le centre de la ville était l’ancien QG du gouvernement Sud Vietnamien. C’est ici que s’est officiellement terminée la guerre du Vietnam, lorsque les chars Vietcongs ont pris d’assaut le bâtiment et que le dernier président Sud Vietnamien Duong Van Minh a été forcé d’annoncer à la radio sa reddition sans condition. Il a par la suite été évacué par hélicoptère vers un porte avion américain. Rien que cela rend ce bâtiment spécial. Pour le reste, et bien c’est le grand soin avec lequel les autorités vietnamiennes conservent ce monument qui impressionne. Loin d’avoir piller et saccager les lieux, ils les ont au contraire conservé tels qu’à l’époque y compris le bunker sous le palais qui comprend toujours l’ancienne War Room du président Sud Vietnamien. Le souci du détail a été poussé jusqu’à poser sur le toit une reproduction de l’hélicoptère qui a servi à l’évacuation des derniers américains sur place. Mauvais gout diront certains, j’ai pour ma part trouvé ca plutôt drôle.

Stop le blabla, place aux photos

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3 Comments

  1. Un pays que j’aimerais découvrir; beaucoup de questions sur son histoire, sur le quotidien de ses habitants, le rapport du peuple au régime communiste en place… J’imagine que ça n’est pas toujours facile de communiquer et certainement pas de partager ce genre de choses, mais qu’en penses-tu? Sans parler politique avec les gens, je suis sure que certaines choses ne trompent pas – j’attends ton avis!

    1. J’en pense qu’il faut avoir un esprit ouvert. Accepter que tout, y compris les régimes politiques ne sont pas nécessairement comme ce que nous connaissons en Occident et que ce n’est pas forcement un mal. La culture et l’histoire font que ce qui est bon pour certains ne l’est pas forcement pour d’autres, y compris les démocraties libérales. Vivre sous un régime communiste et fort sonne dans les pays de l’Ouest comme une malédiction terrible. Ca n’est pas forcement le cas. L’exemple des progrès faits par le Vietnam au cours des 30 dernières années est significatif. Pas sur qu’un autre système leur aurait permis d’avancer aussi rapidement et aurait améliorer les conditions de vie de la majorité de la population si rapidement. Autre pays, autre moeurs, autre régime politique.

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