Et c’est reparti, en compagnie de ma fidèle Lizzie, direction la frontière Sud-Est du pays. Parti de Erevan j’emprunte la fameuse dorsale qui traverse l’Arménie d’un bout a l’autre. Elle a été construite grâce aux fonds collectés lors des Phonétons. Je peux confirmer que les dons ont bien été utilisés, la route est nikel !

Je met le cap sur Tatev pour ma première étape. Perché à 1800 metres d’altitude, la localité est avant tout connue pour son monastère du IXeme siècle qui fut l’un des centres de rayonnement majeur de la culture arménienne.
D’une manière plus récente, ce village s’est retrouvé sous le feu des projecteurs en accueillant le plus grand téléphérique du monde. Vu panoramique assurée puisqu’il survole la vallée à plus de 400 mètres d’altitude sur plusieurs kilomètres pendant 12 minutes de traversée.
Evidement ce téléphérique a été inauguré en grande pompes il y a 2 mois. Le Président de la République arménienne et le Pape des arméniens en personne ayant fait le déplacement. Les villageois n’avaient eux malheureusement pas été conviés au coupage de cordon mais qu’importe. Les projecteurs se sont bien vite ré éteints.
Pourtant Tatev, c’est aussi 1000 âmes qui vivent là bas, en permanence eux. 1000 âmes avec lesquelles je suis resté pendant 3 jours. Et force est de constater qu’au delà du monastère, au delà du joli téléphérique et au delà du record du monde que ce dernier détient, la réalité pour les habitants de cette bourgade reculée est bien différente.

Il n’y a aucune infrastructure touristique localement. C’est donc chez l’habitant que j’ai choisi de rester. L’accueil est comme toujours en Arménie, extrêmement chaleureux. Mais l’enthousiasme de mes hôtes ne parvient pas à cacher la difficulté du quotidien.
Nous sommes le 23 décembre. Personne ici ne parvient à y croire, mais il n’y a toujours pas neigé. C’est historique ! La maitrese de maison a beau me dire que Tatev est entrain de devenir Brazzilia, les -7 degres qu’il fait la nuit me font douter très fort. D’autant plus fort que la maison n’est chauffée que par 1 poêle à bois qui sert aussi de cuisinière. Pour la première fois de ma vie, je dors avec mon bonnet sur la tete. Ca me rappel les illustrations d’un bouquin quand j’etais gamin où il y avait les paroles de Frère Jacques.
Mais la vie n’est pas seulement dure à cause du froid. Elle l’est aussi à cause de la pauvreté. Un rapide coup d’œil sur la table du diner permet de comprendre que la vie est très dure. Dans l’assortiment de mezzé, du riz, des pates, du fromage fait avec le lait des 3 vaches de la maison, du tourchou et un peu de lavach. Rien de plus… ce n’est pas par mesquinerie, non juste parce qu’ils n’ont rien d’autre.

Au cours du repas ils m’expliquent que de leur 3 enfants aucun n’est resté vivre ici.
La fille et le fils ainés sont à Moscou. Le petit dernier a démenagé il y a quinze jours pour aller vivre à la ville, à Abovian. La vie à Tatev est trop dur. Il n’y a pas de travail, pas d’avenir tout simplement.
Mais finalement la vie à la ville est-elle plus facile que la vie à la campagne ? Il semble que oui, c’est en tous les cas ce qu’ils me disent et que semble confirmer le fait que personne ne soit revenu ici par la suite.
Le lendemain matin mon réveil sonne à 7 heures. Nous sommes le 25 décembre. En Arménie cela ne représente rien, Noel se célébrant le 6 Janvier, mais pour moi j’ai un petit pincement au cœur en pensant à ma famille en France. En me levant, cette minute de nostalgie disparaît rapidement en découvrant qu’il n’y a plus d’eau et plus d’électricité ce matin. Cela faisait plus d’un mois que ce n’était pas arrivé. Personne n’est vraiment pris de cours… La maitresse de maison prend un seau et va chercher l’eau dans l’abreuvoir. La voisine nous apporte des oeufs et repart avec un bloc de beurre. Il faut bien se débrouiller… on survit autant que l’on vit et le troc fait parti du quotidien. Ainsi va la vie dans l’Arménie rurale, loin des néons de Erevan.
Je reprends la route après le petit déjeuner. En quittant la bourgade, j’apercoit 4 hommes entrain d’égorger un cochon. Les préparatif de Noel sont en cours. La piste est de plus en plus mauvaise mais il faut y aller. J’ai mis le cap sur Agagark, poste de frontière avec le voisin Iranien : Teheran me voilà !

Et l’habituel pêle-mêle photo

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5 Comments

  1. EXCELLENTS COMMENTAIRES SUR LA VIE DES VILLAGEOIS DANS CE VILLAGE ; chapeau a Toi Anto ;
    BRAVO !!….. au delà des flons flons de l’ inauguration en grandes pompes de ce fameux téléphérique, ( merci les italiens , merci les suisses) n’ ont duré qu’ un après midi; présence du Catholicos , du Président de la République ,photos , caméras , 3 petits tours et puis s’ en vont .
    Les villageois que personnes n’ a daigné saluer , ou même inviter , eux restent avec leur pauvreté , leur misère et leur dignité .
    `Y a pas de quoi pavoiser !

    1. @Hagop: oui, mais peut-etre aussi que ça les sortira de leur isolement, et s c’est le cas ça ne sera pas cause perdue. L’avenir est-il dans un village perdu au sommet d’une montagne. J’en doute, et faire croire à ces gens que rester là-bas est possible est peut-etre leur mentir…

  2. […] ici, mais cette solidarité et cet esprit de communauté. David me renvoie à des images de Gago, mon hôte arménien. Une différence peut-être, les villages que je traverse à Bornéo regorgent de jeunesse et […]

  3. […] ici, mais cette solidarité et cet esprit de communauté. David me renvoie à des images de Gago, mon hôte arménien. Une différence peut-être, les villages que je traverse à Bornéo regorgent de jeunesse et […]

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