le dernier jour où j’ai regardé son compteur droit dans les yeux…


Qu’importe le temps que l’on passe ensemble, ce qui compte ce sont les moments que l’on partage et l’intensité de ce que l’on a vécu. Ma relation avec Chérie Moya n’aura duré que 7 mois, mais ils nous ont suffit pour partager ce que beaucoup de couples ne partagent pas en une vie entière.
Nous avons traversé ensemble les bons moments comme les épreuves, toujours soudés… des interminables lignes droites patagoniennes aux sommets andins, de la cendre noire des volcans chiliens au lac de sel bolivien… Mes sautes d’humeur ne l’ont jamais effrayée tout comme j’ai toujours été tolérant avec ses faiblesses répétées de cardan.

Les souvenirs que nous avons partagés ensemble sont innombrables, mais même les plus belles histoires ont une fin et nous savions dès notre premier flirt à Santiago que nos chemins devraient un jour se séparer. C’est à Antofagasta, une ville minière dans le Nord du Chili que la rupture s’est officialisée. Ni l’un ni l’autre n’étions heureux ni même soulagés par cette séparation mais nous n’avions pas le choix. Elle était liée au Chili par les liens de la carte grise, moi grand voyageur lancé dans une aventure planétaire, je ne pouvais pas saborder mon projet pour des raisons de coeur.

D’un commun accord nous avons publié une annonce dans le journal local de la ville: El Commercio. Les personnes dignes de la Cherie Moya n’étaient pas nombreuses dans la ville, et personne à sa hauteur ne s’est manifesté. Nous avons alors décidé de publier une annonce sur un site de rencontre en ligne: autochile.cl, où les Subaru, Ford et autres Toyota célibataires viennent chercher de riches rentiers pour terminer leur vie de voiture dans le confort mondain. Quelques prétendants se sont manifestés, mais aucun n’avaient les garanties financières nécessaires pour assurer une vie heureuse à mon ex idylle. En suivant les conseils de mon couch surfer chilien, nous nous sommes finalement décidés à nous rendre à une feria.

Je n’aimais pas le concept: mettre en vente ma douce sur un vulgaire marché à voitures. Les acheteurs un peu comme au temps des esclaves regardent les dents, le filtre à air, et l’état du carburateur de leur future partenaire comme si elles n’étaient que du vulgaire bétail. Mais face à la médiocre qualité des prétendants en course, je me suis résolu à aller sur place. A peine sommes nous arrivés main dans la main, ou plutôt, mains sur le volant, que déjà un gitan était à genoux devant les roues de ma Subaru pour lui déclarer sa flamme. Mais Chérie Moya comme moi ne nous sommes pas laissés berner par ce trublion qui après lui avoir fait les plus beaux compliments, essayait déjà de négocier sa dote à la baisse. Quelque minutes plus tard, un autre célibataire du volant, tombé sous le charme de la robe blanche immaculée s’approche et se met à vérifier son pédigrée. Il la trouve belle et de bonne famille mais feint de trouver le montant de la dote trop élevé. Si ce chenapan rechigne déjà à débourser la juste somme pour une perle comme la Chérie Moya, qu’en sera-t-il lorsqu’il devra prendre soin d’elle, lui offrir une vidange ou de nouveaux pneus. Je me montre intransigeant. Il demande à l’essayer: le malotru, ne pense-t-il quand même pas que la Chérie est une fille facile. J’accepte à condition de les accompagner, je ne voudrais pas qu’il se montre indigne de ma Douce. A caresse-t-il ses beaux sièges cuir et roule-t-il quelques rues à ses cotés qu’il est déjà sous le charme.
Tout semble parfait ormis un détail, pour officialiser le changement de protecteur, la loi chilienne exige de se rendre chez le notaire. Problème: nous sommes samedi et il faut attendre deux jours avant d’officialiser le changement de main. Rendez-vous est pris pour lundi.

Alors que je m’éloigne, le téléphone portable se met à sonner. Un nouveau prétendant qui a eu oui dire de la nouvelle célibataire en consultant une annonce sur internet. Quelques minutes plus tard, il la rencontre en personne et en tombe immédiatement amoureux. Deux prétendant pour une seule voiture c’est beaucoup, mais après une rapide discussion avec la Chérie Moya, nous nous accordons pour trouver ce nouveau lover beaucoup plus sérieux. Il n’est pas très séduisant mais présente de bien meilleur garanties (financières…) que le précédent.

Lundi 9 heures, après avoir réglé d’ultimes formalités (entre autre remis une assurance au tiers sur la voiture, découvrant au passage que je roulais non assuré depuis plus de 6 mois), nous attendons l’élu. Il est en retard pour un premier rencard… ce n’est pas un très bon signe. Au téléphone il nous explique qu’il a des problème pour rassembler la dote. La tension monte et je finis par lui donner rendez-vous sur la place principale de la ville. Le filou veut partir avec la princesse à moindre coût. Il prétend ne pas avoir la somme sur laquelle nous nous sommes mis d’accord deux jours plutôt. Je découvre au passage qu’il n’est pas le Prince charmant que j’imaginais mais un revendeur de voitures. Le salaud, j’ai l’impression d’abandonner ma Belle à un trafiquant d’hommes… Une grosse prise de bec plus tard et après que je lui ai démontré mon mauvais caractère et mon énervement en Espagnol dans le texte, il finit par obtempérer sur le prix.

La fin de l’histoire se passe dans le bureau de poste d’Antofagasta. La discussion entre nous ayant pris plus de temps que prévu, lorsque nous tombons d’accord sur le montant de la dote, le bureau du notaire est fermé pour cause de pause déjeuner. Qu’à cela ne tienne, les notaires au Chili ne sont guère plus que des machines à mettre des coups de tampons (les mauvaises langues diront qu’en France c’est la même chose…). Heureusement pour nous, ils ont confiance et juste avant la fermeture du bureau, ils nous tendent le contrat de vente et nous prêtent leur tampon en nous disant de faire le papier nous mêmes et de le glisser dans la boite aux lettres. Je signe donc ma rupture officielle avec la Chérie Moya dans le bureau de poste d’Antofagasta.

L’épreuve la plus difficile est après cette rupture administrative, de voir se matérialiser la rupture physique, dans l’obscurité d’un parking souterrain aux mains d’un autre homme… Les Ritas Mitsoukos l’ont toujours dit: les histoires d’amour finissent mal, en général…

Et pour revivre le soap comme si vous y étiez, les images inédites de notre séparation. Les regarder est pour moi comme revivre la scène et me brise le coeur, sachez-le…

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10 Comments

  1. J’en aurais presque la larme a l’oeil 😉 Vous avez partage beaucoup et ca fait plaisir de voir a quel point tu tiens a Cherie Moya – vous avez eu tous deux de la chance de vous croiser 😉

  2. je crois que c ‘est l’un de tes plus beaux textes!
    (Fichtre, je suis loin d’avoir subie le même traitement à mon départ hahaha!)

    1. @Marion: rohhhh tout de suite. Elle est partie digne et de bonne humeur la Cherie Moya 😉
      Merci en tous les cas, cela me touche, surtout venant de toi

  3. Je te voyais devenir grand reporter. Et puis ce soir te voilà écrivain. Nous avons la triste fin de cette histoire d’amour entre Chérie Moya et toi. Même si nous la connaissions, c’est si bien écrit qu’on ne peut qu’avoir la larme à l’oeil pour cette belle vendue. Mais quel homme attentionné tu es avant de t’en séparer !
    A quand la prochaine vraie histoire d’amour ? Chuttttttt !

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  6. je découvre, votre site ! et je vais voyager à travers vos récits, vos images, et vos écrits…
    j’ai beaucoup aimé votre histoire avec chérie Moya ! et on découvre l’homme qui est derrière…
    A bientôt !

    1. @Chantal: merci pour ce commentaire et bienvenue!

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