Après avoir fait un Battambang – Pursat fainéant, en m’arrêtant manger sur le bord des routes et en faisant des grands coucous à tous les enfants que je croisais, je décide depuis Pursat de ne pas me lancer à l’attaque des Cardamon Mountains.
Ces montagnes sont pourtant célèbres au Cambodge et réputées magnifiques, mais plusieurs locaux m’ont dit que c’était pure folie de s’y aventurer en saison des pluies et que je ne dépasserait pas les 10 premiers kilomètres de piste. Quelques jours après avoir discuté avec eux, j’ai d’ailleurs rencontré un autre motard équipé d’une moto cross qui en revenait… et qui avait abandonné à quelques kilomètres de l’embranchement de la NH5 après s’être planté.
Cela dit, l’envie de sortir de cette ennuyeuse route nationale ne m’avait pas quitté pour autant et j’ai choisi de sortir des sentiers battus (goudronnés plutôt), pour prendre plus au Sud et rejoindre Kompong Chnang par les pistes.
Cette décision assez insensée m’a permis de passer l’une des meilleures journées depuis 11 mois. C’etait énorme, magnifique, intense, épuisant tout ca à la fois. Un peu dangereux aussi mais ca il ne faut pas le dire à ma mère 😉
Mais retour sur ce samedi 20 aout. Je vais tout d’abord visiter un village sur le lac Tonle Sap, mais un village avec une particularité: il est flottant. Toutes les maisons sont construites soit sur des bamboos soit sur des bidons vides afin d’assurer leur flottabilité. Le panneau de signalisation pour l’embranchement indique qu’il se trouve entre 5 et 7 kilomètres. Je crois au début à une blague mais en fait non, le village dérive en fonction de la saison. Après cette visite, je me lance dans mon expérience off road, et quelle expérience!
La piste est défoncée et parsemée d’énormes trous remplis d’eau m’arrivant parfois au dessus du genoux. Je me plante d’abord une première fois, heureusement un gentil Cambodgien (à vrai dire en dehors des villes, ils sont tous gentils les Cambodgiens), vient m’aider à pousser ma moto qui s’est lourdement embourbée.
Puis en continuant, je me mets à longer les rails de chemin de fer qui relient Poipet à Phnom Penh. Ma carte et Google Map indiquent qu’une petite piste les longe d’un bout à l’autre. Après 4 kilomètres avec des pics à … 20 km/h, je dois traverser un premier pont de bois, puis un second… leur état laisse de plus en plus à désirer. Je pensais que les ponts qui grincent et qui menacent de s’écrouler sous ton poids ça n’existait qu’à Hollywood, mais en fait non, ca existe aussi au Cambodge.
Après la traversée du quatrième pont, obligé de réciter “un notre père” avant de me lancer, ce qui doit arriver arrive… il s’effondre en face de moi. Râlant mais ca aurait pu être pire, il aurait pu s’effondrer avec moi dessus. Le problème reste cependant entier: soit traverser la rivière en moto, soit faire demi tour. La raison l’emporte quand même et après un rapide sondage du niveau d’eau, je comprends que c’est pure folie de traverser. C’est pas dans mes habitudes mais je dois me résoudre à faire demi-tour.
Evidemment en rebroussant chemin, ce qui me pend aussi au nez depuis longtemps arrive… une taule magnifique alors que je roule dans le sable. Les deux heures de off road couplées à l’émotion du pont puis l’effort de relever ma moto ont raison de moi. Epuisé je suis forcé de faire une pause pour acheter un coca et une bouteille d’eau dans un village. Les habitants quand ils me voient chevauchant mon monstre sont super surpris. Il semble que la dernière fois qu’ils aient vu une BMW traverser leur village remonte un peu.
Personne bien sur ne parle ni anglais ni français, mais à force de signes, de sourires et de dessins sur le sol, je réussis à leur expliquer que je veux rejoindre Kompung Chnang et qu’un pont sur la route s’est effondré, me forcant à rebrousser chemin.
Apres 15 minutes de “discussion” un vieux finit par prononcer le mot magique: norry. Ce que j’ai retenu de ma lecture du Lonely Planet c’est que le norry est le nom cambodgien des Bamboo Trains. Les bamboo trains sont des wagons de fortune construits en bois (et la plupart du temps en bamboo, d’où leur nom) qu’utilisent les locaux pour transporter toute sorte de marchandise sur les anciennes voies de chemin de fer construites par les Français. Les engins sont légers et facilement démontable car les anciens colonisateurs n’avaient construit qu’une seule voie, ne permettant pas aux train, ni à fortiori au bamboo trains de se croiser.
Ce léger problème est résolu grâce au fait que ces véhicules sont si simples de fabrication qu’il est possible de les démonter en quelques minutes pour permettre à deux personnes venant dans le même sens de se croiser. Evidemment le folklore est assuré. Ils sont devenus très populaires dans le pays car les routes y compris principales étaient dans un très mauvais état jusqu’il y a peu. Aujourd’hui la popularité de ces wagons diminue mais il reste le moyen principale de transport de marchandises dans les régions les plus isolées du pays, sur l’axe Poipet – Phom Penh ou s’étend l’ancienne ligne de train.
Coup de bol, alors que je discute avec l’un des anciens du village, un des conducteurs de norry passe justement derrière nous. Fidèle à ma philosophie “there is no limit but the sky”, je décide donc de charger ma belle sur un Bamboo Train.
C’est folklo mais à 6 on finit par réussir. Inutile de dire que les 40 minutes de trajet sont funs. Cerise sur le gâteau, les paysages sont magnifiques et la moto ne tombe même pas du wagon. Ils finissent par me lâcher au milieu de la pampa, à 40 kilomètres plus à l’est en m’indiquant que la piste qui rejoint Kompung Chnang. Je n’ai pas d’autre choix que de les croire.
Un énorme orage sur la tête, quelques water buffalos, une séance photos avec un vacher et une autre avec des gamins à bicyclette plus tard, et j’arrive sain et sauf à Kompung Chnang. Extenué!
Je me jette sur le premier hôtel venu: le seul mauvais choix de la journée… je m’effondre quand même comme un vieux à 21h30 après avoir accroché mes affaires trempées sur tout ce qui dépasse des murs. Demain c’est direction Phnom Penh où je dois retrouver un prof d’historie géo. Il est en moto aussi et on doit prendre une bière ensemble le soir. Faut pas que je sois en retard 😉
Et vu que vous vous ne pourrez pas profiter de cette bière, je vous envoie une petite video de cette journée pour vous faire patienter:
[…] routes de terre cambodgiennes (souvenez-vous de mon article sur le sujet), bien aidées aussi par les nids de poules vietnamiens finissent d’avoir raison de mes beaux […]
[…] du Trocadéro en Septembre 2010, et qui m’ont accompagné des sommets l’Himalaya jusqu’aux routes cambodgiennes inondées, en passant par les déserts iraniens, […]
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