Après mes 4 jours passés à Varanasi, je mets le cap sur le Népal. Ambitieux (et mal documenté), je me convaincs qu’il ne me faudra pas plus d’une journée pour parcourir les 350 kilomètres qui me séparent de Pokhara.
Après avoir attaché tout mon bazar sur la moto, je prends la direction du Nord. La sortie de Varanasi est une horreur, non, un enfer, non…  en fait, je n’ai pas de mot pour la qualifier. La route est défoncée avec partout des travaux, des tranchées creusées anarchiquement qui forcent les véhicules de tout genre à slalomer entre les tractopelles, les tuyaux d’eau, les ouvriers… Pour égayer un peu le tout, d’imprudentes vaches sacrées se sont perdues au milieu de ce foutoir. Un vrai barnum en plein coeur de la ville.

Je mets 2h30 pour parcourir… 7 kilomètres. Dans la bataille un tuck tuck cabosse l’une de mes valises, et un abruti me roule sur le pied avec sa voiture.  Il faut que je tape violemment sur sa vitre pour que ce %$*&*# comprenne que c’est douloureux et qu’il en redescende. Merci au passage à BMW pour avoir mis une plaque de métal au bout de mes bottes. Elle a sans aucun doute sauvé mon petit peton.

La route qui suit est sans histoire, et sans panneaux de signalisation non plus… Après avoir pas mal galéré et alors que la nuit commence à tomber, je finis par m’arrêter dans un commerce pour demander ma route. Aucune des 5 personnes qui m’entourent n’est d’accord ni sur la route à suivre ni sur la distance pour arriver à la frontière népalaise.

la seule chose qui ressort de la conversation c’est que je suis encore loin et que je n’arriverai pas au Népal ce soir. La tuile pour moi qui m’étais convaincu que je changerai de pays ce soir… Le second défi est de trouver un endroit où dormir.

Dur de me faire comprendre car tout le monde semble mystérieusement hermétique à mes explications en langage des signes, lorsqu’un homme avec une longue barbe teinte au henné s’approche de moi et me lance dans un anglais oxfordien:
“Can I help you?”
Apres m’être frotté les yeux plusieurs secondes en pensant rêver, il enchaine de plus belle
“No one in this town speak english but I worked as an agronomical engineer for 10 years in Ryad, with french, english and canadian so we should be able to communicate”

Tout devient d’un coup plus simple. Il m’emmène dans ce qui se révèle être le motel du coin. C’est sale, très sale même, mais il n’y a pas vraiment d’alternative, l’hôtel le plus proche étant à 80 kilomètres. En bonus, la chambre est remplie de moustiques belliqueux qui me forcent à monter ma tente sur le lit pour me protéger de leur appétit vorace.

Une fois installé, mon sauveur anglophone m’invite chez lui pour le diner. Sur la route il m’explique qu’il dirige maintenant une entreprise de 20 personnes spécialisée dans les objets en fer forgé. Ses affaires semblent bien se porter au vu de son style de vie et de sa maison. Il me montre aussi fièrement la mosquée mitoyenne, dont il m’explique avoir participé au financement.

Le nihab que porte sa femme et sa longue barbe m’avaient mis sur la voie: il est musulman, comme d’ailleurs une importante partie de la population dans le Nord du pays. Il s’empresse aussi de me dire que dans cette partie de l’Inde, il n’y a pas de tensions communautaristes, et que d’ailleurs son meilleur ami (qui est le propriétaire de l’hôtel où je passe la nuit) est hindou. Après avoir mangé une omelette et du riz, longuement discuté avec son fils passionné de moto, et imprudemment bu un verre d’eau, je file au lit.

Le lendemain, à 5 heures 30 pétantes je prends une douche expresse, et après avoir plié ma tente je saute sur ma moto. Le départ est plus difficile que prévu car je suis malade comme un chien. Erreur de débutant… le verre d’eau de la veille m’a retourné les intestins.

J’apprécie le levé du soleil qui dissipe la brume au dessus des champs que je traverse sur le fond musical peu mélodieux de mes boyaux qui se contractent dans tous les sens. J’arrive à la frontière Indo Népalaise à 8h30. La ville frontalière se réduit à une longue rue autour de laquelle se succèdent des petits magasins. A première vu aucune trace de poste frontière. Je continue à rouler en direction d’une arche qui traverse la route lorsqu’un homme se met à me courir derrière en me criant qu’il faut que je fasse des démarche administratives pouvoir passer sous l’arche.

Il me pointe du doigt un estanco qui ressemble à s’y méprendre à tous les autres bouclars qui bordent la route. Seule différence: un petit panneau où est marqué “Indian Customs”. Aucune porte juste un grand rideau derrière lequel trois fonctionnaires sont assis et s’échangent des papiers.
Les formalités sont rapides, et j’obtiens en une minute chrono un coup de tampon sur mon passeport. Mais c’est dans une autre guitoune de l’autre cote de la route qu’il faut que j’aille ensuite, pour effectuer cette fois-ci les démarches pour Lizzie. Là c’est une autre histoire, que je préfère vous raconter en images:

La paperasserie indienne faite, je passe le poste  frontière népalais. Ici tout semble incroyablement organisé, et les Népalais se sont même payés le luxe d’installer un bureau de  promotion du tourisme dans le pays, qui distribue des brochures d’information et de la documentation. Quel choc!

Les douaniers m’apprennent que pour relier Sanauli à Pokhara, pourtant à seulement 180 kilomètres, cela prend 6 heures en voiture. En m’élançant sur la route, je comprends vite pourquoi… les routes sont en bonne état, mais j’ai omis un petit détail: une petite chaine montagneuse qui sépare le Népal en deux, plus généralement connu sous le nom d’Himalaya…  Ce sournois bourrelet géologique transforme les routes népalaises en des lacets interminables qui passent de vallée en vallée et traversent comme elles peuvent les obstacles que la nature met en face d’elles.
Les Népalais s’étant depuis des siècles adaptés à leur environnement, je traverse des villages perchés à flancs de collines, et observent au loin des cultures en terrasses, qui ont été aménagées par l’homme afin de cohabiter avec cette nature extrême.

Au bout de 100 kilomètres, alors que je suis en train de repartir d’une petite pause contraint par mes déboires intestinaux, Lizzie me fait une mauvaise blague. Alors que je remets le contact, le système électrique disjoncte brusquement. Après avoir essayé plusieurs fois de remettre le contact sans succès, je  me décide à démonter la bête pour m’apercevoir que le problème vient en fait des deux vis principales connectées sur la batterie qui se sont desserrées à cause des vibrations.  Plus de peur que de mal. Je remonte le tout et enfourche ma monture à nouveau lorsqu’un Népalais qui me regardait farfouiller dans ma moto depuis 30 minutes me dit que j’ai un souci avec ma roue. Je ne le prends pas au sérieux, mais il insiste. En redescendant pour la seconde fois de ma belle, je constate qu’un clou tout rouillé est planté sur le coté de ma roue arrière.

Le mécréant est trop gros pour que je reparte comme ça. Quand ca veut pas, ca veut pas… Résigné, je sors mon kit anti-crevaison pour la première fois depuis 7 mois. Je galère pendant une heure mais ne parviens pas à réparer mon pneu correctement. Le clou ne fait évidemment pas l’angle parfait de 90 degrés comme montré sur la notice, mais un angle bâtard de 30 degrés qui ne me permet pas d’introduire la rustine sans démonter tout le bouzin. Je colmate à la va vite la crevaison et je décide de reprendre la route au ralenti. C’est un kit ou double. Au mieux j’arrive à Pokhara et je répare tranquillement ma roue là bas; au pire, je crève au beau milieu d’une route Himalayenne et j’ai une histoire de plus à raconter si je m’en sors 😉

Avec les 2000 dieux que compte la religion hindou, celui dédié aux motards (il doit bien y en avoir un…) décide de me protéger car j’arrive finalement à destination à 21h00 sans même m’en rendre compte, car la ville est plongée dans le noir à cause d’une coupure d’électricité (quotidienne au Nepal).

Je suis épuisé, ma roue est largement sous gonflée mais j’y suis! Et je peux confirmer: la loi de Murphy autrement appelée loi de l’emmerdement maximal existe!


Wouhou pour le pêle-mêle qui inclue la réparation définitive de ma roue faite le lendemain !

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3 Comments

  1. Je suis en admiration sur tout ce que tu fais, non seulement toi, mais tout le travail pour nous, tes supporters : les commentaires, les vidéos, les photos. Bravo pour toutes tes rencontres, ton sourire .
    Je suis enthousiasmée mon beau Gosse et ton Idole t’embrasse.

    1. @L’idole: merci pour ce gentil commentaire. Avec des encouragements comme ça je n’ai pas d’autre choix que de continuer 😉

  2. […] j’avais quitté le rond point du Trocadéro en Septembre 2010, et qui m’ont accompagné des sommets l’Himalaya jusqu’aux routes cambodgiennes inondées, en passant par les déserts iraniens, […]

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