J’ai beaucoup posté sur l’Inde et me suis pas mal baladé dans le pays au cours du mois que j’ai passé là bas. Mais au final qu’est ce que j’en retiens?

Tout d’abord c’est un pays dépaysant ; extrêmement dépaysant, le plus dépaysant que j’ai eu l’occasion de voir jusqu’à présent (et j’ai quand même un peu bourlingué avant).
Les différences sont multiples : culturelles, religieuses, philosophiques… Le rapport à la vie et à la mort, le rapport à l’autre avec le système de castes qui bien qu’officiellement aboli strie toujours la société civile. Le rapport à l’hygiène aussi, quasi inexistant.

Je me doutais que cela serait l’une des étapes les plus difficiles de mon voyage. L’Inde et les Indiens sont fascinants et épuisants, charmants et exaspérants, le tout en même temps. C’est l’un des rares pays que j’ai aimé et détesté plusieurs fois dans la même journée.

Alors que j’étais dans un train de banlieue à Mumbai, un homme à l’anglais irréprochable m’avait prévenu : l’Inde c’est tout en 1000 fois plus. Après un mois je dois dire qu’il avait raison. La densité de population, la beauté des paysages, le bruit incessant,  le raffinement des monuments, la saleté omniprésente, la pauvreté… tout est démultiplié. Le pays est extrême à tous niveaux.

Mais essayons d’être un peu plus factuel. L’Inde est le second pays le plus peuplé du monde avec 1.138 millions d’habitants. Contrairement à son voisin chinois qui a su maitriser son accroissement naturel grâce à une politique agressive de contrôle des naissances, la population indienne continue de croitre avec plus de 2,7 enfants par femme. On estime qu’elle aura dépassé la Chine d’ici 20 ans avec plus de 1,5 milliard d’habitants.
Le rapport homme/femme est 1000/933 (la moyenne mondiale étant de 1000/1003) du fait de la préférence donnée aux garçons et de la sélection faite grâce aux examens prénataux et parfois aux infanticides. Une expression indienne dit bien qu’élever une fille c’est comme arroser le jardin de son voisin.
En terme de niveau de vie, 80% de la population indienne vit avec moins de deux dollars par jour (seuil de pauvreté tel que défini par l’ONU) et 57 millions d’enfants souffrent de mal nutrition. Son taux de croissance de 9% par an pourrait pourtant laisser rêveur, mais les répartitions sont très inégales et surtout le pays part de très bas.
Impossible aussi de parler de mon passage en Inde sans parler d’écologie ou plutôt de désastre écologique. Sans même avancer de chiffres, l’omniprésence de décharges à ciel ouvert, de tas de poubelles tellement intégrés au paysage que dans bons nombres de quartiers, les gens finissent par vivre au milieu voir parfois au dessus de leurs immondices. le plastique (bouteille, sacs…) est un fléau national qu’aucune politique n’essaie d’endiguer.

Pour passer à du concret quelques chiffres tout aussi alarmants: en 1950, 33% du territoire indien était occupé de forêt. Aujourd’hui elles n’occupent plus que 11% du territoire. Les tigres, pour ne citer qu’eux, pourtant symboles du pays, sont considérés comme étant en voie d’extinction avec moins de 1000 minous sur l’ensemble du territoire.
L’Inde fait aussi face à un important problème d’alimentation en eau. Non pas parce que l’eau manque mais parce que la plupart des sources sont si polluées qu’elles sont inexploitables. Maneka Gandhi, ancienne ministre de l’environnement a récemment prédît que si la tendance se poursuit “il n’y aura d’ici 25 ans plus d’eau potable en Inde, exceptée celle dans les bouteille d’eau minérale”. Un petit chiffre pour illustrer la situation: des relevés faits dans le Gange ont révèlés un taux de coliformes fécaux (en français de caca)  de 1,5 million d’unités par décilitre. Comme ca ca ne veut rien dire, mais si je vous rajoute que le maximum autorisé en Europe est de 500 unités, ça fait frémir non? Allé une dernière pour la route, la concentration en arsenic (du fait des rejets industriels non contrôlés) est dans ce même fleuve de l’ordre de 150mg par mètre cube pour un maximum autorisé en Europe de 2mg par mètre cube…

Et pour rendre les choses aussi épicées qu’un bon curry, la plus grande démocratie du monde comme ses élites aiment l’appeler, dispose aussi de la bombe atomique ; encore mieux, à porter de missiles, elle a un voisin (et ancien frère…) qu’elle déteste : le Pakistan et avec qui elle a déjà été à la limite d’échanger des champignons (atomiques) en 2001.

Evidemment l’Inde s’est aussi les vaches sacrées qui se promènent partout, les singes et les rats vénérés, les sâdhus qui mendient leurs repas le chilom à la main, en fumant de la marijuana pour suivre les préceptes de Shiva. Cela donne une touche amusante au pays…

C’est aussi une grande diversité de splendides paysages, allant du désert de Tar aux montagnes du Darjeeling, en passant par les plaines fertiles du Rajasthan. D’extraordinaires monuments comme  les plais des Maharadjas ou le Taj Mahal pour ne citer qu’eux.

Mais cela ne parvient pas à éclipser la vision des familles entières dans la rue, qui n’ont d’autres destins que de souffrir de la faim et de mendier leur nourriture car le sort et surtout leur caste le veut ainsi…
A Varanassi l’image d’un gamin de 3-4 ans tendant une assiette en métal vers des jeunes appartenant à des castes supérieures pour qu’ils y jettent quelques grains de riz restera longtemps graver dans ma mémoire. Celle de ces mêmes jeunes donnant un coup de pied dans sa gamelle pour s’amuser ne me quittera de si tôt.

Étonnamment cette extrême violence sociale est tolérée car inscrite dans la culture et dans la société depuis des siècles. Tolérée par les Indiens, mais aussi par certains d’Occidentaux. Une conversation étonnante avec 2 jeunes français dont l’un arborait fièrement une étoile rouge sur son tee-shirt a fini de me laisser perplexe. Jugeant cette culture si « extraordinaire » et m’expliquant que les gamins à quatre pattes donnent une part d’exotisme au pays…
Je ne parviens pas à le comprendre, tout comme je ne parviens pas à comprendre les nombreux Baba Cool qui ne jurent que par ce pays ? Regarderaient-ils plus le Chilom du Sadhu qui passent que l’intouchable derrière lui, à quatre pattes en train de ramasser des grains de riz dans les caniveaux ?
[hop]
Je reviendrai dans ce pays car il faut beaucoup plus d’un mois pour tenter de comprendre sa complexité ; mais pour une première expérience, ces 30 jours étaient suffisants sous peine d’arriver à une overdose.
Je quitte l’Inde avec des certitudes largement ébranlées quand à mon rapport à la vie, des images de misères les plus dures que j’ai été amené à côtoyer. L’étonnement face à cette société structurellement inégalitaire, mais dont les injustices semblent acceptées comme une volonté divine.
Enfin et plus anecdotique, l’Inde peut aussi être fière d’être le seul pays que j’ai visité qui a réussi l’exploit de me rendre cinq fois malade de suite, et que je quitte sous un lourd traitement aux antibiotiques pour désinfecter estomac, intestins et toute la tuyauterie largement pollués par ce mois en terre hostile.
Comme le dit fièrement la campagne de publicité pour promouvoir le tourisme dans le pays : Incredible India !

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