Rester coincé en Thaïlande est facile. C’est le pays idéal pour les backpackers : tout y est facile et bon marché : logement, transports, restaus, bars… organiser n’importe quelle activité est d’une simplicité déconcertante ; les agences de voyages sont partout et efficaces.

Ajouter à cela de très beaux paysages, que cela soient les montagnes du Nord ou les plages paradisiaques du Golf du Bengale ou de Thaïlande + des Starbuck et des McDo à tous les coins de rue, sans oublier des centres commerciaux dans la capitale à faire pâlir de jalousie les Emiratis. Même les américains les plus casaniers peuvent facilement se sentir comme chez eux.

Pour  rendre l’adaptation encore plus douce, l’ambiance de fête est omniprésente, et les thaïs sont souriants. En un mot le pays est très agréable, si agréable qu’il attire des masses extraordinaires de touristes à tel point que je me suis parfois demandé si je me trouvais bien en Asie du Sud-Est ou dans un club de vacances géant.
Après mon retour de Birmanie à la rencontre des tribus, j’ai passé quelques jours à Chiang Mai. C’est une jolie ville à l’histoire chargée (l’ex capitale du royaume de Siam). C’est aussi très touristique mais ca conserve un certain charme; le cœur historique se compose d’un dédale de petites ruelles ce qui permet une pause relaxante après la folie du trafic et des tours de Bangkok. Après 5 jours de repos et de balades dans les montagnes du triangle d’or, au guidon d’une Honda Shadow (Lizzie était sagement restée à Bangkok, les Birmans ne voulant pas d’elle sur leur sol), je me suis résolu à rentrer sur  la capitale du pays.

Le problème avec cette ville, c’est qu’y être raisonnable est très difficile. J’ai donc, parfois contre ma volonté (Jocelyn, Ben, Ming… oui vous m’avez souvent forcé à sortir…), écumé restaurants, bars et boites de la capitale thaïlandaise.

Durant mes quelques moments de lucidité (ou de sobriété…) j’ai fait un peu de mécanique pour remettre Lizzie au top de sa forme (cf article précédent). Elle s’était un peu engourdie à l’abri dans un garage de luxe dans les beaux quartiers de Bangkok (merci Jocelyn pour ton hospitalité). Elle s’était très bien adaptée aux dorures, mais heureusement, fidèle à ses habitudes, elle a repris la route sans broncher.
Après une semaine de schizophrénie : mécanicien le jour et Gogo dancer la nuit, j’ai décidé de revenir les pieds sur terre et de me recentrer sur mon objectif initial : aller toujours plus loin vers l’Est. Et à l’Est de la Thaïlande, c’est le Cambodge.

Je me suis fixé comme première étape la ville de Siem Reap, camp de base pour qui veut explorer les célèbres temples du complexe d’Angkor.
Sortir de Bangkok a été plus simple que prévu. Je ne me suis même pas perdu ! En tous les cas pas avant d’arriver jusqu’à l’aéroport où le sous-titrage des panneaux en thaï laissait un peu à désirer. J’ai fini par me retrouver sur une petite route un peu cabossée, qui ne ressemblait pas à l’image que je me faisais de la route 33, dessinée en rouge et en gras sur ma carte et censée relier Bangkok à Aranyapapeth, la ville frontière.
Après 15 kilomètres, je rejoignais finalement l’infernale quatre voies que je suivais sur 200 kilomètres. Une journée sans histoire sauf une rencontre amusante d’un motard thaïlandais conduisant une énorme R1200. Après s’être arrêté sur le bas coté de la route et avoir discuté un peu avec moi, il s’est respectueusement incliné et m’a demandé s’il pouvait me suivre sur une cinquantaine de kilomètres. C’est ainsi que j’ai bénéficié d’une escorte sur une partie de la route.

Arrivé à la frontière tardivement, je ne me suis lancé dans les formalités administratives que le lendemain. Choix pertinent puisque cela me demandera 4 heures de laborieux efforts. Le premier hic survient lorsque le douanier thaï vérifiant mes papiers s’aperçoit que je suis ressorti deux fois du territoire… sans moto. Pour ce terrible délit je suis condamné à une amende de 1000 baths. Les choses seraient trop simples si je pouvais les payer directement au poste frontière, mais malheureusement c’est à 3 kilomètres de là, dans le bureau des douanes que je dois m’acquitter de la prune. Là où la situation se complique, c’est que mon passeport a déjà été tamponné et que je suis officiellement « sorti » de Thailande. Comment faire donc pour y re-rentrer sans demander un nouveau visa? Ce “gros problème” est finalement résolu en me faisant accompagner d’un douanier qui m’emmène en scooter vers le-dit bureau. Traverser les checkpoints en sens inverse à l’arrière d’une 125cc rose en faisant des signes aux militaires qui me regardent d’un air dubitatif est assez jubilatoire.

Mes 1000 baths réglés, c’est une autre blague qui m’attend du coté cambodgien cette fois-ci. Après moins de 10 minutes je rentre dans Poipet, sans que personne ne me demande même les papiers de mon véhicule. En bon citoyen et surtout en sentant les problèmes qui vont se poser à moi postérieurement si l’entrée de la moto n’est pas faite en règle, je décide de retourner questionner les officiers à la barrière. Les deux haussent les épaules, visiblement pas certain des démarches que je dois effectuer. Ils me renvoient vers la maisons des douanes, un bâtiment situé une centaine de mètres plus bas sur la route.

Me voici donc au Cambodge, avec une moto importée « illégalement ». Arrivé en face de la maison des douanes, il est déjà presque midi. J’explique mon problème à un bidas en charge de la protection du bâtiment. Je dois le sortir du profond sommeil dans lequel il était plongé, tranquillement allongé dans un hamac qu’il a tiré entre deux arbres. Il me propose de garer ma moto dans la cour, mais me prévient qu’il va falloir que je revienne dans deux heures, car les douaniers sont partis manger et faire la sieste. En entendant ca, je crois ne pas l’avoir bien compris, je lui fais répéter.

« Yes they have left for lunch but you know it is so hot right now that you need to take a nap. They should be here around 2pm or 3pm. »

La blague! Poipet est le plus gros poste frontière entre le Cambodge et la Thaïlande. Des tonnes incalculables de  marchandises y transitent chaque jour, et le bureau des douanes ferme pour permettre aux officiers de manger et faire la sieste… Ces 11 mois de voyage ont eu cet effet que rien ne me paraît plus improbable, et que tout me fait désormais rire. Et à ce moment la situation est hilarante, d’autant que je suis techniquement déjà sur le territoire cambodgien, et que rien ne m’empêche de reprendre la route sans que personne ne me demande quoi que ce soit. Je finis même par me demander si les douaniers eux mêmes ne sont pas surpris de voir ma détermination à vouloir obtenir des papiers en règle.

Je choisis d’attendre. Pour faire passer le temps, je rentre dans le bâtiment, dont la porte a été laissée ouverte. Des photos des saisies spectaculaires effectuées par les Cambodgiens sont accrochées au mur. Indifféremment, des camions remplis de cigarettes, d’alcool mais aussi de bouteilles de soda apparemment importées illégalement sont affichées. Sur chacune d’elle ont voit le même homme bedonnant, en uniforme, regarder la saisie d’un air satisfait. J’en déduis que c’est le chef des douanes. J’en déduis aussi que toutes ces saisies ont été faites en dehors des heures de repas.

En ressortant du bâtiment j’observe pendant une dizaine de minutes le spectacle du poste frontière. Dans la queue interminable des véhicules qui attendent pour traverser depuis la Thaïlande, se mélangent indifféremment semi remorque, camions, charrettes à bras, tuk tuk dont le siège passager a été chargé jusqu’à la gueule de marchandises…

2 heures plus tard je retourne au bureau des douanes et miracle, il est ouvert. Après avoir poussé la lourde porte en fer forgé qui rappelle que je suis maintenant  dans l’ex Indochine, j’entre dans un petit bureau. En face de moi se tient un homme d’une soixantaine d’année. Les chaises dans le bureau sont en plastique rose. Pas d’ordinateur, juste un grand tableau blanc ou sont gribouillés des mots en cambodgiens et quelques chiffres. Sur une table dans un coin, une trousse de toilette est remplie de tampons. L’homme fait des allers retours incessants vers cette table et fouille pendant de longues minutes jusqu’a ce qu’il trouve le tampon qu’il cherche. Il revient ensuite s’asseoir à sa place et l’appuie avec concentration dans un buvard imbibé d’encre bleue, avant de tamponner avec énergie une pile de papiers. Une fois la pile tamponnée, il recommence la même opération avec un tampon différent. Au bout de dix minutes et alors qu’il ne m’a toujours pas adressé la parole, l’homme en face de lui,  un blanc se retourne vers moi et me demande en anglais: “il veut savoir si vous parler Khmer”. Répondant que je suis français, le douanier sexagénaire sourit et bascule immédiatement dans la langue de Molière. Son visage rayonne et il semble heureux de pouvoir parler cette langue qu’il connait bien mais qu’il ne semble pas avoir pratiquée depuis longtemps.
Soudain, dans mon esprit, une évidence fait surface : l’époque de l’Indochine Française n’est pas si lointaine et l’indépendance du Cambodge ne remonte qu’à 1954. C’est la première fois que je me rends compte à quelpoint le colonialisme, qui parait aux gens de ma génération d’un autre temps, est en fait contemporain.

La joie du douanier de pouvoir parler avec moi en Français facilite grandement les choses. Apres 10 minutes supplémentaires d’une recherche acharnée pour trouver le bon tampon, il termine de remplir les papiers nécessaires à l’entrée légale  de ma moto dans le pays. Je reprends la route direction Siem Reap qui est à 120 kilomètres de là.

Les paysages que je traverse sont splendides, des rizières parsemées ca et la de grands cocotiers. Alors que j’observe émerveillé les paysans qui rentrent des champs à vélo en formant de longues files indiennes, je manque de percuter une voiture qui arrive à contre sens en klaxonnant. Je le comprendrai rapidement mais cet envergue humaine est en fait significatif du style de conduite particulier des Cambodgiens.

J’arrive à Siem Reap vers 20h00, où j’ai immédiatement une autre vision du Cambodge. Une vision de tourisme de masse, tous les occidentaux voulant admirer les temples étant regroupés dans cette ville. Alors que je n’ai pas encore garé ma moto ni enlevé mon casque, un chauffeur de taxi s’approche déjà de moi en me proposant:
“Weed, do you want weed, Majiruane”
Face à mon refus, il ne se démonte pas:
“Girl, girl, boumboum, very nice girl!”

Et oui le tourisme de masse dans les pays pauvres n’apporte pas que ses devises, il apporte aussi ses vices.

Et bing un petit pêle-mêle photo

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2 Comments

  1. Une belle évasion à moto, du pur bonheur.
    Je suis allé 3 fois en Thailande et suis maintenant aussi tenté de visiter les alentours.
    Motard toujours, c’est en 2 roues que l’on en profite le mieux.

  2. Une belle évasion à moto, du pur bonheur.
    Je suis allé 3 fois en Thailande et suis maintenant aussi tenté de visiter les alentours.
    Motard toujours, c’est en 2 roues que l’on en profite le mieux.

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