Après avoir passé une semaine à chercher un voilier pour relier Carthagène, en Colombie, à Panama City, et une semaine à attendre pour pouvoir prendre la mer (souvenez-vous de mon article précédent), je ne tiens plus en place le jour du départ. Après avoir effectué les rapides formalités de départ, qui se résument à un coup de tampon dans mon passeport, j’embarque sur le fameux Stahlratte, ou Rat de Fer dans la langue de Goethe.
Le Stahlratte est un bateau de pêche centenaire, qui après avoir navigué les mers nordiques pendant plus de 60 ans à la recherche de maquereaux,  a été racheté par un groupe d’alternatifs allemands dans les années 70 , juste avant que son armateur ne l’envoie par le fond. Les babas cool anarchistes se sont affairés à retaper ce 38,5 mètres pendant plusieurs années, lui offrant une nouvelle jeunesse avant de lui offrir une nouvelle vie. Organisés en association à but non lucratif, ils proposent des services de charter aux backpackers, principalement dans la mer des caraïbes, entre la Colombie et le Panama en été, et la Colombie, Cuba et les USA en hiver. Le fier Stahlratte avec ses 7 voiles et son moteur original de 1955, a depuis qu’il a évité le cimetière à bateaux, effectué 3 fois le tour du monde et navigué à travers la plupart desocéans de la planète.

L’équipage est constitué de volontaires, qui en échange de leur travail, ne paient rien (ni bouffe, ni logement, ni alcool…) tant qu’ils restent à bord. Le capitaine à quasi plein temps, un grand gaillard aux mensurations proches de celle d’une armoire normande, se prénomme Ludwig, et prend un soin amoureux de « son » bateau.

Le Stahlratte et moi, un soir au coucher du soleil…

A 10 heures le 25 aout, nous levons l’ancre et quittons le port de Carthagène, mettant le cap plein nord en direction de l’archipel des San Blas. Une petite heure à peine après avoir quitté les digues protectrices du port, nous nous retrouvons en pleine mer. Le bateau est grand mais il prend de la gite malgré tout. Mon estomac se rappelle de mauvais souvenirs lors de mon retour d’Antarctique, où j’avais passé la majeure partie des deux jours de traversée de l’infâme Passage de Drake (souvenez-vous), à me concentrer pour ne pas dégueuler. Etonnement rien ne se produit durant mes deux jours de pleine mer dans les Caraïbe, à tel point que je m’autorise même à tester ma résistance en buvant quelques bières.

Ludwig, le capitaine: j’avoue il fait un peu flippé parfois…

Sur la route, rien à déclarer mis à part cette sensation envoutante lorsque l’on se retrouve au milieu de l’océan et que l’on aperçoit rien d’autre que du bleu azur quelque soit la direction dans laquelle on regarde. Tout comme lorsque je traversais le désert de Dash-e-Kavir en Iran, les plaines arides de la Patagonie argentine où l’interminable désert de Nasca au Pérou, l’immensité de la nature me ramène à ma finitude. J’aime cette sensation, ce coup dans la poitrine qui me ramène brusquement à ce que je suis, un détail insignifiant à l’échelle de l’univers. Tous les sujets qui nous paraissent si importants et indispensables sont brusquement mis en perspective et relativisés. Aussi important que nous soyons, aussi puissants que nous nous pensons être, nous ne sommes rien. J’aime être rappelé à cette réalité simple, qui lorsqu’on en prend conscience, permet de vivre plus simplement et plus intensément, avec moins d’artifice.
Après quelques 40 heures de mer, je vois apparaître les premières îles à l’horizon. Comme un comité d’accueil, un ban de dauphins se met à suivre le bateau. Nous jetons l’ancre entre deux îles inhabitées et paradisiaques: rien d’autre que du sable blanc et quelques palmiers pour nous faire de l’ombre. Après avoir débarqué et pris quelques photos, puis admiré un coucher de soleil d’anthologie, nous mangeons un barbecue sur une île déserte tandis que la lune apparaît à l’horizon.

Départ du port de Carthagène…

Le jour suivant est à peine plus productif. Snorkelling, bronzette et un peu d’exercice physique grâce à une cordage accrochée à l’un des mats du bateau, et depuis laquelle je m’amuse avec quelques acolytes à me prendre pour Tarzan.

Le soir, nous rencontrons des indiens Kunas, qui vivent sur l’archipel au milieu duquel nous nous trouvons. A mon immense surprise Ludwig, le capitaine, parle leur dialecte. Il m’explique que depuis le temps qu’il navigue dans le coin, il s’est fait ami avec beaucoup de Kuna et qu’il a appris les rudiments de leur langage. Les Kunas, qui sont les habitants ancestraux de ces îles paradisiaques, bénéficient d’un statut de semi autonomie. Vivant d’une manière suffisamment séculaire, ils ont su conserver une grande partie de leurs traditions et de leur indépendance.

une femme Kuna à bord du Stalhratte

Après un dernier diner de Langoustes à bord, le rêve de 5 jours dans les Caraïbes s’achève. Après que l’immigration panaméenne ait fini de tamponner nos passeports à bord du Stahlratte, nous rejoignons le continent à bord de la pagode d’un pêcheur.

tough life que celle de globe trotter, vraiment… on est obligé de manger les langouste avec ses mains!

En posant le pied sur la terre ferme, je réalise que je suis officiellement arrivé au Panama, le 32ème pays que je traverse depuis mon départ de France. Je réalise aussi que ma longue traversée d’Amérique du Sud est finalement terminée : elle aura duré 9 mois et demi durant lesquels j’aurais parcouru plus de 37 230 kilomètres par la terre uniquement. Après ce conséquent plat de résistance, une nouvelle aventure commence, avec la traversée de l’Amérique Centrale. Aux dimensions beaucoup plus modestes que sa grande sœur du Sud, elle présente d’autres challenges aussi dont celui de la sécurité. Sa traversée devrait m’occuper durant les deux prochains mois.

Let’s Make It Happen !!!

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3 Comments

  1. Une vraie vie de pirate! Enfin presque 😉

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