Nous avions décidé lors de la préparation de notre aventure de passer par Yozgat et Merzifon, les villes d’où sont respectivement  originaires mon Grand Père et ma Grand Mère. Nous quittons donc Gorême et prenons la direction du Nord pour arriver à Yozgat après quelques 3 heures de route et 250 km.

Ce que nous imaginions être un village est en fait un chef lieu de 74 000 habitants. De la vie de mon grand père là bas jusqu’à ses 19 ans, nous n’avons que peu d’informations ; ce que nous savons c’est qu’il parlait d’une grande horloge proche de la place principale de la ville. C‘est donc avec optimisme que nous partons à la recherche d’une pendule. Nous suivons les panneaux en direction de Sehir Merkezi (centre ville en turc), et juste après avoir traversé un pont, un peu comme par magie, nous apercevons une grande tour au milieu d’un rond point.  Au sommet de cette tour… une pendule. Une petite discussion avec un flic en civil, qui s’improvise notre guide, nous confirme qu’elle a été construite en 1916. Cela colle parfaitement avec les souvenirs de mon Grand Père qui n’a quitté la région qu’en 1923. 

Amusant retour aux sources ; le petit fils  est dans la ville de son grand père en face du monument que son ancêtre contemplait 87 ans plus tôt, avant de devoir fuir ses terres. Pour fêter cela nous allons manger un kebab juste en face de la place et trinquer à l’Ayran (ben oui on a encore de la route à faire).

Le reste de notre passage à Yozgad est sans histoire particulière. Peu de choses intéressantes à voir excepté une rencontre incongrue avec des étudiants, qui en images donne cela :

Nous repartons avec notre porte clé direction Amasya, soit une centaine de kilomètres plus au Nord. C’est une jolie ville où de superbes maisons ottomanes forment le quartier historique au bord de la rivière Yesilirmak. La ville est aussi surmontée des tombes des princes Pontics, creusées dans la falaise il y a plus de 2400 ans. 

Mais l’intérêt principal pour moi c’est surtout un papier que nous avons retrouvé dans les affaires de mon Grand Oncle. C’est un document officiel français qui stipule l’adresse de sa naissance : 92 rue Tudjar.

Malheureusement notre recherche de cette fameuse rue reste vaine. Elle n’existe semble-t-il pas ou plus. Beaucoup de pistes (rue rebaptisée, traduction de l’ottoman au français partielle ou erronée…) mais aucune réponse certaine. Le mystère demeure et nous ne parvenons pas à l’élucider. Je suis cependant heureux d’être ici !

La troisième et dernière étape de ce retour aux sources est la ville de Merzifon. Elle me tient tout particulièrement à cœur car c’est celle d’où vient ma Grand Mère dont j’étais très proche. Elle y est née et y a étudié au Collège Américain. La seule chose que je sais de cette ville, c’est qu’elle se trouve à 2 jours de cheval de Yozgat. Ca aussi je le tiens de ma Grand Mère qui me l’a souvent répété. Certes ca ne m’aide pas à savoir combien de kilomètres séparent les 2 villes, le canasson étant peut être en mauvaise santé… mais ca me fait comprendre que ce n’est pas tout prêt. A nouveau ce que je pense être un village, se révèle être une ville de 50 000 habitants. Une ville de garnison surtout, où se trouve une grande base de l’aviation militaire turque, ainsi que plusieurs casernes de gendarmerie. Apres avoir longuement galéré dans la ville, on finit par trouver l’université où nous engageons la conversation avec les deux gardiens. On leur explique évasivement que nous sommes ici parce que mon Grand Père était professeur au collège américain il y a une soixantaine d’années. Les explications sont fumeuses, mais ca semble passer. Ils nous indiquent un bâtiment à l’abandon à quelques dizaines de mètres.

Ca ressemble en effet à un ancien collège, surmonté d’un clocher en bois en ruines. Je profite qu’Yves discute avec les gardiens (les distrait ?!?) pour me promener dans le bâtiment et prendre photos et vidéos. Apres une quinzaine de minutes le stratagème atteint ces limites et on comprend que l’un des gardiens est entrain d’appeler la police par talkie walkie. Ca tombe bien puisque nous avons fini nos emplettes. J’ai eu ce que je voulais : un aperçu de la vie de mes Grand Parents avant qu’ils ne s’exilent pour sauver leur peau.

Qu’est ce que je retire de ces visites ? Aucun sentiment revanchard : cela appartient maintenant à l’histoire. Plus une impression de devoir accompli ; un devoir de mémoire dans ces lieux qui sont l’essence de mon histoire familiale, et finalement de mon histoire tout court.

Et pour la forme et par habitude, un petit (tout petit même) pêle-mêle photos.

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  1. […] année a été riche en émotions, comme lorsque je suis retourné à Merzifon devant les ruines du collège américain où ma grand mère avait étudié avant de devoir fuir la Turquie pour sauver sa vie en 1915; ou […]

  2. […] année a été riche en émotions, comme lorsque je suis retourné à Merzifon devant les ruines du collège américain où ma grand mère avait étudié avant de devoir fuir la Turquie pour sauver sa vie en 1915; ou […]

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