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Brunei: un bien drôle Sultanat…

Posté par zetoune
15 mai, 2011

Lorsqu’on entend le nom de Brunei, tout le monde sait que c’est un sultanat. Beaucoup savent aussi que c’est un pays musulman assez traditionaliste, et la plupart se doutent que sa fortune repose sur le pétrole.

Ces trois affirmations sont exactes. Par contre très peu nombreux sont ceux capables de le placer sur une carte. Et avant de venir à Bornéo, je dois confesser que j’en étais moi-même incapable.

Brunei se trouve bel et bien sur la cote nord de l’ile de Bornéo. Bien que son rayonnement politique soit aujourd’hui quasiment nul, le Sultan n’a pas toujours été un eunuque politique. Il a même historiquement eu une grande influence sur la région, avec un pouvoir s’étendant au XVI siècle sur tout Bornéo et une grande partie des iles qui constituent aujourd’hui les Philippines.

L’histoire contemporaine de ce micro état est assez singulière. Alors que la Grande Malaisie, incorporant la Malaisie péninsulaire, Singapour et la moitié de l’ile de Bornéo est créée par les Anglais qui veulent se retirer en douceur de la région, le Sultan de l’époque, Omar Ali Saifuddin prend conscience qu’il lui faut à tout prix éviter le rattachement de Brunei à cette nouvel entité s’il veut conserver le monopole des ressources pétrolières. Fort du soutien de la compagnie pétrolière hollando-britanique Shell qui détient à l’époque (détient toujours aujourd’hui, allez comprendre…), le monopole de l’exploitation des énormes réserves d’hydrocarbures du pays, l’indépendance de Brunei est conservée. Les liens extrêmement étroits entretenus avec le Royaume-Unis, l’ex puissance coloniale, sont conservés, à tel point que Brunei reste un protectorat britannique jusqu’en 1984.

De mon retour de Mulu et pour me rendre à Miri, je choisis de m’arrêter quelques jours dans la capitale du pays, Bandar Seri Begawan, pour avoir un aperçu de l’atmosphère qui règne dans le pays.

Après une heure de voiture, je traverse la frontière avec mon sac sur les épaules avant que les douaniers, d’un air sérieux, me demandent de manière insistante si j’ai de l’alcool sur moi. Répondant par la négative, ils froncent les sourcils et m’expliquent que si je leur mens, j’enfreins la loi du pays qui interdit tout import et  consommation d’alcool dans le Sultanat. Les présentations sont faites, et je découvre rapidement que contrairement à son voisin Malaysien, Brunei a choisi la voie d’un Islam plus envahissant. Le porc y est naturellement complètement absent, et l’alcool y est aussi totalement banni, et ce depuis les années 1990, où le Sultan dans un souci de se faire pardonner quelques péchés, a soudainement choisi d’interdire les liquides qui font rire de son royaume.

Après cet interrogatoire rigolade de 15 minutes, qui aboutira sur un « ok on te fait confiance et on ne vérifie pas ton sac, mais attention ! », je prends un bus local qui dessert la capitale.

Rapidement je comprends que Brunei n’est pas les Emirats Arabe Unis. Coté forages pétroliers peut-être, mais du coté du mode de vie certainement pas.

Le chauffeur du bus est Philippin. Il m’explique qu’il travaille ici depuis 5 ans car les salaires sont plus élevés que dans son pays. Lorsque je lui raconte que je suis venu pour voir à quoi ressemble le pays, il me dévisage, comme pour s’assurer que je ne sois pas fou :

« What happened to you to come here ? If you don’t work here you don’t come here. All the expacts when they have some free time they go to Malaysia. Why did you do it the other way around ? Listen, here there is no alcohol, no girls and nothing to do ! »

Décrit comme ça, Brunei est d’un coup moins attractif, mais je lui réponds, que je suis quand même curieux de voir comment les gens vivent.

Arrivé en ville et après avoir posé mon sac dans la seule “auberge de jeunesse” (qui s’apparente plus à un camp de détention pour jeunes délinquants), je me balade dans les rues. Elles sont désertes, à tel point que je finis par me demander si je ne suis pas arrivé pendant une fête nationale ou l’équivalent du week-end.

En fait non, la ville est naturellement comme ça, triste et sans ambiance. Une succession de grandes rues désertes, des bâtiments sans charme et sans cachet, d’un gris déprimant. Armé de mon guide touristique, je me lance dans la « visite » des monuments, ce qui va assez vite. Je m’arrête pour admirer une mosquée flambante neuve que le Sultan a dédiée à son Papa. Malgré sa taille très modeste, sa construction a couté près de 5 millions de dollars, principalement du fait du dôme en or qui la couronne. Un centre commercial fait aussi parti des « must see » de mon bouquin. Ici  aussi on n’est pas à Dubaï : pas d’aquarium ni de piste de ski à l’intérieur : à Brunei on fait simple : quelques magasins, même pas de Mac Do (malheureux !) mais par contre un KFC. Et là encore c’est triste et quasiment désert. Le centre commercial de Velizy fait plus classe à coté, c’est tout dire.

 

Désœuvré, je finis par sauté dans un petit bateau qui m’emmène faire le tour du water village. C’est la partie la plus intéressante de la ville. Près de 20 000 personnes vivent dans un quartier entièrement construit sur pilotis. Cela en fait la plus grosse ville  flottante d’Asie, que ses habitants n’hésitent pas à appeler « le Venise d’Asie ». Bon, sans vouloir être médisant, nous sommes très loin des joyaux italiens, mais c’est vrai que l’endroit a un certain charme. Les petits bateaux se croisent entre les alignés de maisons. A droite une caserne de pompiers avec dans ses garages des zodiacs sur lesquels sont installés des lances à incendie, à gauche une grande mosquée qui flotte au dessus de l’eau. Repartis à intervalles réguliers, des sortes d’abris bus qui sont en fait des arrêts pour bateaux, les transports en commun locaux.

Les maisons construites sur l’eau sont toutes extrêmement modestes, et connaissant les énormes revenus générés par le pétrole, et ayant vu ce à quoi les Emirats Arabes Unis ressemblent, je me demande où l’argent des richesses sous terraine est parti. Je pose la question au « capitaine » de mon embarcation qui sourit et me pointe du doigt une gigantesque coupole en or. Je ne l’avais pas vu dépasser à l’horizon.

« This is the Sultan Palace. It cost 55 millions dollars to build »

Si le château de ce cher Hassanal Bolkiah a couté 55 millions, cela relativise un peu sa ferveur religieuse, avec les seulement 5 millions de sa mosquée…

Mais mon guide improvisé me dit que si je veux vraiment comprendre où part l’argent, il faut que j’aille visiter  l’Empire Hotel & Country Club. Alors que ma mini croisière se termine, je fouille un peu sur le net pour en savoir un peu plus sur ce mystérieux hôtel, et je fais une stupéfiante découverte.

Dans les années 2000, le richissime Sultanat de Brunei a failli boire le bouillon à cause de dépenses insensées. Mais comment un si petit pays qui a autant de pétrole peut réussir à passer dans le rouge ? Même Kadhafi qui s’y est essayé n’a pas réussi cet exploit! En continuant mes recherches, je découvre que cet Empire Hotel & Country Club n’était à l’origine pas un hôtel, mais une maison destinée à recevoir dignement les hôtes du Sultan. Construite sur ordre du Prince Jefri, son frère alors en charge de la Brunei Investment Agency, la construction de cette modeste demeure a couté 1.6 milliard de dollars.

Oui vous avez bien lu 1 600 000 000 dollars. Certes ca ne représente que le tiers de la somme que Kerviel a fait perdre à la Société Générale, mais c’est autant que les couts de construction estimés de la future Liberty Tower de New York. Les Musulmans ont toujours eu la réputation de savoir recevoir, mais à ce point là, c’est bluffant !

Mais ce champion de la dépense ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Il a aussi  détourné pendant qu’il était ministre des finances de 1986 a 1998 une grosse partie des revenues pétroliers (estimés à 15 milliards de dollars pour sa seule petite personne, ce qui n’inclut pas les cadeaux à ses femmes – il en a trois – ni à ses enfants – il en a 18 -). Pour couronner le tout, il a aussi trouvé utile de dilapider une immense partie de la fortune de son pays  (et de sa famille, les deux étant intimement liés…), dans des investissements des plus hasardeux.

Si hasardeux que les banquiers du royaume, des gens pourtant très bien élevés, qui ne dérangent d’habitude pas le Sultan pour de petits problèmes de dépassement de plafond de cartes de crédit, ont fini par froncer les sourcils. Ils  en sont même arrivés par perdre leur calme légendaire, et par expliquer poliment que si les conneries continuaient, ils n’allaient plus suivre.

La situation est devenue si critique que le Sultan, pour qui l’amour familiale n ‘a pourtant pas de limite, a été forcé de démettre son frère de ses fonctions. Il lui a aussi intenté un procès pour récupérer les sommes qu’il avait détournées. Heureusement, comme dans toutes les histoires qui finissent bien, Hassanal finit par abandonner les charges contre son frangin lorsque ce dernier s’est décidé à gracieusement céder 500 de ces propriétés reparties un peu partout dans le monde, 2000 de ses bagnoles, 100 de ses peintures de grands maitres et 9 de ses avions à son pays (authentique).

Soyez donc prudent, voilà où les problèmes d’achats compulsifs peuvent vous mener !

 

Heureusement, cette sale histoire n’a pas empêché au pétrole de continuer à couler à flot, ni à Shell de reverser ses royalties au Sultan, qui a pu tranquillement se remettre à jouer au polo. Ouf, les canassons commençaient à avoir les pattes qui s’engourdissent!

Maintenant comment  se fait-il que la population locale, qui voit le dôme en or 24 caras les narguer tous les matins, accepte de vivre dans des cahutes en bois au dessus de la rivière ?  Et bien tout simplement parce qu’elle n’est si malheureuse que ca. Bien sur 20% d’entre elle vit sous le seuil de pauvreté, mais on est en Asie, et 20% c’est moins que chez les voisins ! Le Sultan, dans sa grande sagesse, a aussi compris qu’il fallait lâcher du lest s’il voulait pouvoir profiter tranquillement de ses pétrodollars. Résultats : les impôts n’existent pas, les soins médicaux sont entièrement gratuits, l’éducation aussi, et l’état garantit les biens de tous les Bruneis (le capitaine m’a expliqué que 5 ans auparavant, sa maison avait brulé et que l‘état lui en avait fourni une autre gracieusement – peut-être l’une de celles que le Prince Jefri avait rendue, j’ai pas pensé à lui demander…).

Et pour les réfractaires qui auraient malgré toute cette générosité  envie  d’avoir eux aussi un dôme en or au sommet de leur maison, l’Islam que le Sultan, a renforcé dans le pays, est là pour rappeler à ces mécréants qu’une vie modeste est la clé pour accéder au paradis.

Mon séjour à Brunei n’aura duré qu’une journée. Mort d’ennui à la fin de ma première après midi, je décide d’acheter un billet de bus et de filer plus vite que prévu sur Miri. Mais en guise de cadeau d’adieu, je suis obligé de me coltiner l’enregistrement de l’émission « Brunei Got’s Talent » qui par une terrible malédiction est tournée au pied de mon auberge. Cette blague me tient éveillé jusqu’à 2 heures du mat. Les Brunies ont leur revanche et me montrent qu’ils savent faire la fête ! Par contre, je peux vous dire que comme en France, du talent tous les candidats n’en avaient pas…

 

 

 

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Commentaires
Commentaire par Flo le 24 mai 2011 @ 11:51

Interessant, malgre tous ces scandales, avec pas d’impot, l’assurance sante et l’education gratuite, on achete un peuple…ou devrai-je dire la paix. Je dis interessant car doit-on etre pour ou contre, ca n’est pas si simple que ca…
Comme ca une seule journee de passee sur Brunei? Visite du palais, de la mosquee et du fameux hotel? 😉

Commentaire par zetoune le 24 mai 2011 @ 14:21

@Flo: C’est exact, visite de tous ces “hauts lieux” du tourisme de Brunei. Ca va vite, la ville est minuscule et les “attractions touristiques” très rapprochées. Cela dit si tu viens à Sipadan inutile de perdre ton temps avec Brunei…

Commentaire par Hyak le 7 juin 2017 @ 04:06

Merci Zetoune pour cet article, Je viens passer près d’une année au Brunei et ce que tu dis reflète très bien les choses, il y règne un ennui incommensurable, tout le monde passe la frontière à la moindre occasion, et pour ma part, je suis bien content de quitter ce pays très bientot!

Commentaire par zetoune le 14 juin 2017 @ 23:13

Merci Hyak pour ton retour d’experience.

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